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07/04/2006

BTS : discussion "recousue" : "ordre et désordre"

Dans un livre publié en 1988, Georges Balandier se propose de faire le point sur les relations que les hommes et les sociétés entretiennent avec une notion souvent présentée de manière péjorative : le désordre. Parcourant l’histoire des civilisations et des idées, il propose en définitive un éloge du mouvement et du désordre qui l’accompagne. Peut-on le suivre dans cette réflexion ? Comment trouver un équilibre entre un ordre nécessaire et un désordre inévitable ? Il s’agira, finalement, de montrer que le mouvement est porteur de vie et de création.


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Il semble difficile de ne pas pointer d’abord les difficultés engendrées par le désordre.
Un individu dont la seule valeur serait le désordre ne pourrait pas vivre dans un groupe. S’il veut faire partie d’une société il doit forcément respecter certaines règles, lois, us et coutumes, rituels, autant d’éléments qui déterminent sa socialisation. Il peut, certes, exprimer son anti-conformisme, mais il ne pourra se construire une identité qu’à travers une place, même minimale, laissée à l’ordre dans sa vie.

Car le désordre risque de mener vers une sorte d’hyper-individualisme qui conduit chacun à ne vouloir faire que ce qu’il désire. Ce désordre privilégie l’affrontement, ne laisse de place qu’à une “loi de la jungle” qui ne laissera aucune chance aux plus faibles, et qui ne permettra pas de construire quelque chose de durable. Que reste-t-il alors comme chance à la communauté de se rassembler autour de valeurs communes ?

Faut-il pour autant faire l’éloge de l’ordre ? Une société ne peut pas se pérenniser sans une part d’ordre, mais cet ordre ne peut devenir une valeur unique au risque de basculer dans des régimes totalitaires. Si l’on peut sourire d’un individu adepte de l’ordre jusqu’à être maniaque, il n’est jamais risible de constater qu’une société, au nom d’un certain ordre idéologique, prive ses membres de toute liberté individuelle.

Mais même si l’ordre est nécessaire, le désordre a des vertus, que l’on peut illustrer par des exemples pris dans des domaines variés.

Dans le domaine scientifique, la raison et la rigueur semblent ne laisser aucune place à la fantaisie du désordre. Pourtant de nombreuses découvertes ou inventions ont été, au moins en partie, dues au hasard, qui peut être condidéré comme une sorte de désordre, la part incontrôlable des événements. Archimède dans sa baignoire, Newton dormant sous un pommier, ont eu , dit la légende, la révélation de lois essentielles qui ordonnent la physique de notre réalité.

Dans la vie politique, le désordre est parfois nécessaire pour constituer un contre-pouvoir. Aucune révolution n’a pu se faie sans une période de désordre, période transitoire entre deux régimes. Il est cependant difficile de faire l’éloge du désordre quand il prend des formes de vilolence gratuites et stériles. Toutes les difficultés d’une bonne gouvernance consistent à concilier l’ordre nécessaire à la sécurité de tous, et le désordre possible devant les abus du pouvoir.

C’est peut-être dans le domaine artistique que le désordre est le plus créatif. Chaque mouvement culturel s’est fondé sur la remise en cause des valeurs antérieures. Ainsi par exemple, à l’ordre classique s’est opposé l’exubérance baroque, au romanciers réalistes ont succédé les poètes surréalistes... L’artiste ou l’écrivain a besoin d’une part de f olie qui le pousse vers des territoires inexplorés. “Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit” écrit Rimbaud. Le désorde de la raison est stérile s’il est pure folie, mais on ne peut pas nier que Van Gogh ou Artaud, par exemple, furent d’authentiques créateurs.

Il ne s’agit donc pas de choisir en tre ordre et désordre, mais de s’interroger sur la tension qui mène de l’un à l’autre, car le mouvement est dans cette relation permanente entre un état et un autre.

Ainsi nous pouvons d’abord rappeler que le mouvement reste stérile s’il n’a pas de but ou de fonction. Notre époque a parfois tendance à susciter des mouvements inutiles, qui ne résultent que d’une incapacité chronique à jouir de l’immobilité ou du silence. Mouvements de mode, mouvements de foule, souvent justifiés, par exemple, par une addiction à la consommation. Celui qui bouge n’a pas toujours raison sur celui qui contemple. Et que dire de tout mouvement contraint, subi, non volontaire ?

Le mouvement n’est pas le désordre. Il est l’expression d’un désir, d’un élan, d’une quête. A chacun d’investir à sa manière cette capacité humaine à être en mouvement en y mettant du sens, et pas seulement avec son corps. Etre en mouvement c’est aussi être disponible, être curieux, prêt à la rencontre qui va nous transformer ou nous faire évoluer. Etre en mouvement n’est pas aller dans tous les sens, mais plutôt être disposé à accepter de quitter parfois nos certitudes ou notre confort intellectuel. “La jeunesse” disait Mac Arthur “est une victoire du goût de l’aventure sur le goût du confort”.

Le mouvement, c’est la vie. Il s’agit d’être en marche, toujours posé entre un équilibre et un déséquilibre, toujours sur un chemin, même mal connu. Le marcheur sait aussi faire des haltes, des pauses. Il connaît le plaisir de l’étape et du repos mérité, mais cela n’a de valeur que parce qu’il a marché, c’est à dire parce qu’il a vécu.

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Faire l’éloge du mouvement qui construit n’est pas faire l’éloge du désordre qui détruit. On pourrait retourner la proposition et parler plutôt du mouvement et de l’ordre qui l’accompagne. Le propre de l’homme est peut-être de pouvoir donner, dans la mesure de ces capacités, un sens à ce mouvement dans lequel il est inclus. L’ordre, ce n’est pas figer le monde comme un arrêt sur image. Il s’agit plutôt de concilier la beauté du mouvement qui souvent nous dépasse, et le désir toujours renouvelé de sculpter le temps pour en faire notre création. Entre " lâcher-prise " et volonté de faire œuvre, l’homme trouve fragilement sa place, dans un incessant recommencement…

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