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08/06/2020

Term ES Philo 9 juin

Bonjour,

aujourd’hui je vous propose de lire (ci-dessous) ou d’écouter ICI ma correction du devoir.

Preuve de présence après le texte.

"La santé est-elle plus importante que la liberté ?". 

Cette question a été  posée récemment avec pertinence par le philosophe André Comte-Sponville (auteur dans les années 90 du célèbre "Petit traité des grandes vertus") dans une interview publiée dans le journal suisse le Temps et reprise ensuite par tous les médias français... La question se pose bien sûr aujpurd'hui en particulier dans le cadre de cette crise sanitaire (c'est à dire crise de la "santé") mais elle doit surtout nous aider à penser la vie après cette crise. Si la notion de liberté est très présente, dans la réflexion philosophique, depuis ses origines, la notion de santé est, elle, beaucoup plus rarement convoquée en tant que concept. De là l’intérêt de leur confrontation, et l’intérêt de la question posée ici, dont les réponses ont des conséquences, on le sait bien maintenant, très concrètes, par les choix idéologiques et politiques qui en résultent. 

Il  semble d’abord évident de dire que la santé est plus importante que la liberté parce que la "mauvaise" santé limite cette liberté (de bouger par exemple, de se déplacer). Toute atteinte à la santé peut être perçue comme une limitation de notre liberté, sous une forme ou une autre.

Pourtant, on a souvent vu comment certains individus peuvent mettre en danger leur "santé" (équilibre des fonctionnements du corps) pour gagner une liberté (voir tous les "résistants", militants, combattants, hier ou aujourd'hui). Cela montre tout ce que l'on peut être prêt à "sacrifier" pour gagner ou reprendre cette liberté. C'est dire aussi la valeur que l'on attribue à cette liberté qui est alors plus importante que tout, même que la santé !

La question pourrait être alors  : peut-on être en bonne santé si on n'est pas libre ? Car il n'est pas de santé que seulement celle du corps : la philosophie rappelle l'importance de la liberté de l'esprit (voir l'idéal des Lumières). L'idéal de "vie bonne" (plutôt que de bonheur) dans l'Antiquité impose une bonne santé "intérieure" autant que physique, et celle-ci ne s'acquiert qu'avec a minima un "sentiment" de liberté, même si celui ci est très relatif en fonction des individus, des époques, des cultures. La liberté, c'est la santé ! Et sans vraiment s'en apercevoir, beaucoup d'entre nous sont malades de n'être pas libres. Il ne s'agit pas ici d'une liberté absolue, qui est impossible et d'ailleurs peu souhaitable. Pour faire une rivière, il faut deux rives qui canalisent l'eau. Dans la société, là où il n'y a pas de loi il n'y a pas de liberté, comme le rappelle Locke. Toute liberté est conditionnelle, encore faut-il que ces "conditions" aient de bonnes raisons, politiques ou éthiques, para exemple. Rousseau le formule très bien : "L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté". Il s’agit donc à la fois d’interroger la nature de cette « santé » et de déterminer les conditions qui la rendent possible.

Dans le cas plus spécifique du "Covid", on peut donc dire que la poursuite d'une garantie de "santé" ne peut pas justifier d'atteintes trop lourdes à notre "sentiment" de liberté au risque, très contreproductif, d'attenter à cette santé ! Nous l'avons vu très concrètement avec la phase de confinement qui a provoqué ou accentué de nombreux cas de dépressions. Il faut une grande force d'esprit au prisonnier pour rester en bonne santé et si  la société décide de nouvelles lois pour encadrer sa liberté il faut toujours  qu'elles soint perçues comme autant de limites légitimes à une vaine liberté absolue qui ne serait que désordre.Il faut donc que ces "lois", ces nouvelles "prescriptions" (on pourrait dire "ordonnance") pour les citoyens soient élaborées dans un cadre démocratique et ne soient pas seulement fondées sur l'argument d'une "santé" définie arbitrairement ( par exemple par rapport à un virus), une santé arbitraire en quelque sorte qui serait plus importante que tout et susciterait  la peur de perdre une "sécurité" désormais axée sur du "sanitaire", peur qui justifierait toute décision, y compris contre nos libertés.

De quelle santé parlons-nous, finalement, dans cette confrontation avec la liberté ? Ne s'agit-il que de la santé du corps ? En 1875, l’écrivain britannique William Ernest Henley , rédige sur son lit d’hôpital le poème Invictus (qui signifie invincible). Atteint d’une tuberculose osseuse depuis l’âge de douze ans, il subit à 25 ans une amputation du pied jusqu’à mi-jambe. Le poème symbolise la résistance à la douleur consécutive à son amputation. Un siècle plus tard pour supporter 27 ans d'incarcération (et non de confinement) à la prison de Robben island , on raconte que Nelson Mandela se récitait ce poème dans sa cellule et notamment ces deux vers célèbres : « Je suis le maître de mon destin/ Le capitaine de mon âme ». La santé de cette "âme"  est donc plus forte que la liberté puisqu'elle est plus forte que l'emprisonnement du corps dans la douleur ou dans une cellule. Le mot âme vient du latin « anima » qui signifie respiration, souffle. Peut-on pour autant qualifier le coronavirus, maladie respiratoire, de "maladie de l'âme" ?

Ce concept d’âme est extrêmement complexe, ne serait ce que par ses nombreuses étymologies, mais il est présent dans pratiquement toutes les cultures. Sans entrer dans une analyse d’un terme très  subtil, rappelons par  exemple que les philosophies orentales attribuent de manière très naturelle de l'importance à une  bonne respiration pour la santé du corps qui est aussi santé de l’âme. là où les philosophies occidentales, souvent dualistes, distinguent un corps (qui souffre) et un esprit (qui pense), et ont du mal â admettre le concept d’une santé globale, hormis dans les références â un psychosomatique qui reste coincé entre  science été croyance, médecine et spiritualité, autant de clivages que ne font pas le taoïsme ou le bouddhisme par exemple. 

La santé du corps est donc nécessaire à notre liberté mais elle n'est pas plus importante. Si demain pour vivre en bonne "santé" on nous impose durablement  une distanciation permanente qui empêche tout contact rapproché et tout rassemblement, sommes-nous prêts à  l'accepter ?  Comme le rappelait Comte-sponville en faisant une fois encore appel à Montaigne, nous sommes condamnés à perdre un jour cette "santé". Il est bon de  la préserver, mais illusoire de nous croire immortels. Pierre Desproges, humoriste philosophe, avait donné comme titre à l'un de ses recueils de textes : "Vivons heureux en attendant la mort". Lui-même mourut d'un cancer du poumon à 48 ans. Tachôns donc d'être en bonne santé, cultivons nos défenses immunitaires, mais sans trop de "peur" (qui  aliène notre liberté) et sans oublier que nous allons mourir...le plus tard possible, bien entendu. 

La santé de l'âme est plus importante que tout : elle réclame toute notre attention. Elle se nourrit de pratiques corporelles autant que de philosophie puisque Epicure le conseille dans sa Lettre à Ménécée : «  Que nul, étant jeune, ne tarde à philosopher, et vieux, ne se lasse de philosopher. Car il n’est, pour personne, ni trop tôt ni trop tard, pour assurer la santé de l’âme «. Alors philosophons, dès la 6eme, et n’arrêtons jamais. 

Cette santé se nourrit aussi de liberté et de poésie. Accepterions nous par exemple, dans notre culture, que demain une exigence de distanciation sociale nous interdise  définitivement... le baiser ? Dans un monde devenu tout entier, comme nos cartes bleues, sans contact, nous redirions qu’un baiser n’est pas un simple bouche à bouche vecteur de virus mais, comme le déclame si merveilleusement notre grand Cyrano dans une tirade célèbre, une façon de « un peu se respirer le coeur, et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme ! ». Rien n’est meilleur pour la santé...

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Preuve de présence : répondez aux trois questions suivantes sans aucun développement.

1) Quel est le titre du poème que récitait Nelson Mandela dans sa prison ?

2) Quel est le philosophe qui parle de la philosophie comme  « santé de l’âme «   ?

3) Quel philosophe anglais rappelle qu’il n’y a pas de liberté sans lois ?

A envoyer à ygerbal@stjomaristes.com 

 

 

 

 

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