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16/06/2014

Correction Bac philo ES 2014

Suffit-il d'avoir le choix pour être libre ?

 Intro 

On pourrait définir brutalement la liberté en disant « c’est faire ce que je veux ». Cette volonté qui n’est rien en soi, ou dont les fondements restent difficiles à  déterminer, s’exprime concrètement et quotidiennement par des possibilités diverses devant lesquelles je dois faire un choix. Ces choix sont donc la matérialisation de ma liberté. Suffisent-ils pour autant à me prétendre libre ? Ces choix eux-mêmes, leur nature, leurs limites, ne sont-ils pas soumis à des déterminismes qui en limitent la capacité à être des vecteurs de notre liberté ?  Certes, être libre c’est pouvoir choisir. Mais avons-nous la liberté de nos choix ?  Après avoir réaffirmé notre liberté de choisir, nous nous demanderons si cette liberté n’est pas une illusion et verrons que la véritable liberté consiste à pouvoir choisir nos choix.

 I) Etre libre, c’est avoir le choix. La liberté peut en effet se définir par la possibilité de choisir.

 1) Une vie sans choix est une vie aliénée. Ce que je ne choisis pas ne relève pas de ma liberté mais des besoins (physiologiques par exemple : je ne choisis pas de devoir manger), des contingences c’est à dire de ce dont je ne suis pas maître, des « aléas ». Pour être libre il faut en effet avoir le choix. L’esclave ne choisit pas sa condition. Certes, le maître dépend aussi de l’esclave (dialectique hegelienne) mais la liberté du maître reste préférable à celle de son sujet. Il garde le choix de devenir esclave. Pour supprimer la liberté, la prison ne laisse pas de choix au prisonnier.

 2) Certes tout ne dépend pas de nous , et nous ne sommes jamais absolument libres … mais il y a aussi « ce qui dépend de nous ». La morale stoïcienne est fondée sur cette distinction d’Epictète qui nous incite à ne pas s’attrister de ce que ne nous ne choisissons pas mais plutôt de s’appliquer à faire les bons choix quand nous le pouvons. C’est la mesure de notre liberté. Ne pas avoir tous les choix (je ne peux pas choisir d’être grand si je suis petit) ce n’est pas ne pas être libre.

 3) Exister c’est choisir, et à chaque moment je dois faire des choix qui m’engagent et engagent autrui. Cette liberté « existentielle », après que suis projeté dans l’existence (le « Dasein » de Heidegger) est selon Sartre ce qui définit l’homme qui est constamment « condamné à être libre » (L’existentialisme est un humanisme) ? La formule oxymorique montre bien la complexité de cette « liberté » qui est aussi une condamnation car je n’ai pas d’autre choix … que faire des choix... et donc en prendre la responsabilité.

 Transition : si être libre c’est bien faire des choix, ces choix eux-mêmes se trouvent confrontés à la question de la liberté. Il ne suffit pas d’avoir le choix pour être libre si je ne suis pas libre de ces choix.

 

II) Quelles sont les raisons de mes choix ? Ceux-ci dépendent-ils de moi ?

 1) Mes choix sont limités  :

L’homme n’est pas naturellement libre. Il ne choisit pas son lieu de naissance, l’endroit où il grandit, et toutes les influences qui le façonnent.  La liberté se décline en liberté de penser, de vouloir, d’agir : ai-je le choix de penser en dehors de mon histoire personnelle et en dehors de ma culture ? Ai-je le choix de parler si je ne maîtrise pas la langue qui devient instrument de pouvoir donc d’aliénation ? Choisir un comportement c’est exprimer plus ou moins une morale (conduite de soi), cette morale est-elle choisie ou est-elle reçue ? Le désir par exemple me « dicte » souvent sa loi et je crois choisir quand c’est le besoin désirant qui choisit et m’aliène.

 2) Qui choisit mes choix ?

La société (notamment marchande, celle des échanges commerciaux) nous propose des choix qui ne nous libèrent pas. Ai-je le choix d’avoir de l’argent ? Et suffit-il d’avoir le choix que procure l’argent pour me prétendre libre ? Suis-je libre en choisissant une marque de vêtement plutôt qu’une autre ? Plus de chaines à la télé renforce-t-il ma liberté ? Il ne suffit pas d’avoir « certains » choix pour être libre. Je crois choisir quand je ne fais qu’adhérer à un conditionnement. Le plus souvent mes choix sont ceux d’un groupe, d’une classe, d’un socio-style, d’une communauté… C’est le choix des autres…

 3) Nous n’avons pas le choix.

Nous sommes mortels. Le seul choix est celui de vouloir rester en vie. « Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide » (Camus, Le mythe de Sysiphe). « To be or not to be » dit Hamlet dans son célèbre monologue. Ce choix le faisons-nous vraiment librement ou relève-t-il du besoin de « se conserver en vie », pulsion de vie, instinct de conservation ? 

Le choix est une illusion : nous sommes intégrés dans une succession sans fin de causes et d’effets qui « agissent » sur nous et nous « déterminent » (théories du déterminisme).

 Transition : faut-il alors accepter de n’avoir pas le choix et se résigner à une illusion de liberté ou s’engager dans un processus de « libération » grâce auquel nous « choisirons nos choix »  ?

 III) La liberté  c’est choisir nos choix.

 1) La liberté de ne plus choisir ?

Certaines philosophies orientales prônent une forme de détachement et un « lâcher-prise » face à ce déterminisme universel. Accepter de jouer le rôle que nous n’avons pas choisi.  Ce déterminisme n’est pourtant pas nécessairement un fatalisme. Il est là aussi l’expression d’une volonté, celle de ne pas « résister » à ce qui nous dépasse mais de le faire dans un désir de partage et compassion avec toute l’humanité. 

 2)  Nous ne choisissons pas tous nos choix, mais nous gardons la liberté de choisir.

Pour Spinoza (L’éthique)  le « conatus » n’est pas seulement une pulsion de vie qui pousse chaque chose à « perséverer dans son être ». C’est un processus dynamique qui peut s’exprimer différemment selon chaque individu et le pousser par exemple vers la tristesse ou la joie.

Ne sachant s’il faut pleurer sa femme Badebec morte ou se réjouir de la naissance de son fils Pantagruel, Gargantua choisit de rire et de festoyer. Rabelais fait le choix d’écrire « de rires plutôt que de larmes ». Spinoza dit « Bien faire et se tenir en joie ».

 2) Le choix de la connaissance et de l’autonomie :

Nous gardons le choix d’être plus ou moins conscient, de connaître plus ou moins bien les raisons de nos choix. Ma liberté s’exprime par mon désir de connaissance. J’ai le choix d’essayer de me connaître moi-même, de mieux connaître les causes. Il s’agit alors de s’engager dans un processus d’autonomie, d’augmenter notre capacité à choisir « par soi-même » et « en connaissance de cause ».

Le principe d’autonomie chez Kant : c’est seulement lorsque l’individu s’impose à lui-même une loi qu’il agit moralement. En outre, il réalise ainsi sa liberté, qui ne peut se réaliser dans le vide, mais seulement par “l’intermédiaire de la loi”. Cette loi choisie dicte mes choix et me libère car elle est l’expression concrète de ma volonté.

 Conclusion : pour être libre il faut le devenir, en se réappropriant nos choix. Il ne suffit pas « d’avoir » le choix, mais il faut « être » ce choix…

Yves Gerbal, professeur au lycée Saint-Joseph les Maristes à Marseille.

 

 

 

 

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